
Le peuple se prononcera le 24 novembre pour ou contre l’élargissement de l’autoroute A1 entre Nyon et Le Vengeron. Certains édiles de La Côte savent déjà ce qu’ils voteront. Pour eux, ce sera un grand OUI pour moins de trafic, moins de bruit et plus sécurité dans leur village respectif. Explications.
Accroissement démographique
«Cela fait plus de 20 ans que nous connaissons un énorme accroissement démographique, et le développement des transports publics ne suffit pas, explique Mario-Charles Pertusio, ancien chef de file du PDC vaudois, redevenu syndic d’Eysins en 2023, commune périurbaine de Nyon. Pour l’ex-député, membre du Centre Vaud, élargir l’autoroute entre Nyon et Le Vengeron est donc une nécessité. «Nous aurons toujours besoin de routes pour la mobilité privée et l’économie», ajoute-t-il.
Une évidence qui se vit également au quotidien pour Alain Barraud, syndic de Chavannes-de-Bogis, où se trouve la jonction de Coppet: «Ici, ce sont 35 000 passages par jour, soit davantage qu’aux jonctions de Rolle, de Gland et de Nyon.» Parce qu’aux pendulaires des villages voisins, il faut ajouter les travailleurs en provenance de Divonne-les-Bains (F) et du Pays de Gex (F) qui n’ont pas d’autre choix que de passer par-là.
Usagères et usagers de la jonction de Coppet ont donc appris à prendre leur mal en patience, matin et soir. Et parfois même au milieu de la nuit lors de travaux, d’accidents ou de pannes sur l’A1.
Communes congestionnées
Dans la même idée, il n’est pas rare, par exemple, que la commune de Mies, située au sud de l’autoroute et peuplée de quelque 2500 âmes, voie débarquer tout autant de voitures et de camions cherchant désespérément à contourner un bouchon qui se serait formé sur l’autoroute à la sortie de Genève.
«Ces véhicules vont passer par Versoix, puis chez nous, avant de reprendre l’autoroute à la jonction de Coppet», explique Pierre-Alain Schmidt, syndic de Mies. Avec, à la clé, pollution sonore et atmosphérique, et risques routiers en augmentation. Tous les jours, ce sont aussi des pendulaires de la région valdo-genevoise qui passent par là aux heures de pointe.
Inquiète pour la sécurité de sa population, la petite commune va donc passer sa route traversante au régime du 30 km/h. Comme d’autres de ses voisines. Pour ces communes directement impactées par la saturation de ce tronçon, il est plus que temps de ramener le trafic sur une autoroute élargie.
Avec quel objectif? Démonstration au nord de Zurich, où l’Office fédéral des routes (OFROU) vient de mettre en service un troisième tube dans le tunnel de contournement du Gubrist. Selon l’office fédéral, cette nouveauté représente un trafic plus fluide et 75 % d’accidents en moins. «La circulation sur les routes régionales s’est reportée sur l’autoroute, expliquait ainsi, en janvier, Lorenzo Quolantoni, porte-parole de l’OFROU, au micro de l’émission 15 minutes de la RTS. On a donc les voitures là où on les veut, c’est-à-dire sur les autoroutes.»
Avoir une vision régionale
Mais si la surcharge de trafic impacte en premier lieu les communes riveraines des jonctions de Nyon et de Coppet, dont le réaménagement est compris dans le projet de 3e voie autoroutière, ce sont en réalité toutes les communes du district de Nyon qui sont concernées, estiment nos interlocuteurs.

«Les automobilistes qui empruntent la jonction de Coppet arrivent bien de quelque part et pas seulement de Chavannes-de-Bogis, souligne Alain Barraud. Le bassin concerné est beaucoup plus large que les communes riveraines!»
Et Mario-Charles Pertusio, régionaliste de la première heure, d’avertir: «Pour ce vote, il faut arrêter de réfléchir commune par commune. C’est au contraire une vision régionale et cantonale qui doit prévaloir. Sans quoi, nous risquons de perdre cet argent pour notre région.»
Coûts du projet d’élargissement de l’A1
La mise en service complète est planifiée pour 2038. Les travaux devraient débuter en 2032. Le montant des coûts du projet s’élève à quelque CHF 956 mio. pour les goulets Le Vengeron – Coppet et Coppet – Nyon. À quoi s’ajoutent CHF 298 mio. pour l’entretien et l’aménagement.
D’autres chantiers concernés
Pour Mario-Charles Pertusio, un refus le 24 novembre aurait en outre des répercussions sur les futurs chantiers du réseau secondaire alentour. Si les projets de petite et grande ceintures routières de Nyon sont enterrés, d’autres dossiers sont en cours, rappelle-t-il.
À l’image de la requalification de la RC 11, qui connectera à terme Divonne-les-Bains, Crassier, Borex et Eysins à la gare de Nyon. Mais aussi Gingins, Chéserex, Grens ou encore Signy, en passant par la RC 15.
Or, ces itinéraires ont été identifiés comme faisant partie du réseau structurant de la stratégie vélo cantonale, validée en 2023 par le Grand Conseil. Refuser d’adapter un réseau autoroutier asphyxié reviendrait «à précariser» ces aménagements d’ores et déjà validés, prévient le syndic d’Eysins.
D’autant plus que dans cette région, la voiture reste le moyen de transport privilégié par une population qui travaille à l’extérieur et qui possède encore souvent deux voitures, selon Alain Barraud. «Nous accueillons aussi plein d’internationaux. Or, je les vois mal se rendre à la gare de Coppet en trottinette.»
Sans oublier les travailleurs français qui arrivent parfois de loin pour un emploi au Centre Manor Chavannes, par exemple, ou dans une autre grande entreprise située ailleurs sur la côte lémanique. «Récemment, une connaissance a mis 45 minutes en voiture pour relier le centre de Divonne à la bretelle autoroutière de Coppet. Dans le contexte climatique actuel, ce n’est ni logique ni acceptable», souligne le syndic.
Un duel dogmatique
Pas acceptable non plus les arguments des opposants au projet décidé par la Confédération et voté à large majorité par le Parlement, ajoutent nos interlocuteurs, tous en faveur du développement de la route et du rail. «J’aime débattre, explique Alain Barraud. Mais l’argumentation des opposants durant cette campagne est purement dogmatique et parfois même fausse. La discussion avec eux est impossible, c’est regrettable.»
Dans le giron politique depuis de longues années, Mario-Charles Pertusio ne peut s’empêcher de grimacer, lui aussi, face à cette nouvelle guerre partisane. «Il fut un temps où l’Association transports et environnement était en faveur d’un élargissement de ce tronçon d’autoroute», relève-t-il.
«À l’époque, nous avions clairement démontré que rail et route étaient complémentaires.»
Olivier Français, ex-sénateur et ancien président d'OuestRail
D’autres que lui s’en souviennent. À l’instar de l’ex-sénateur et ancien président d’OuestRail, Olivier Français. Dans une interview donnée fin août dans le journal Le Matin Dimanche, le Vaudois a aussi déclaré que c’était une erreur de raviver la guerre entre ces deux mobilités.
«A l’époque, nous avions clairement démontré que rail et route étaient complémentaires. (…) Nous avions pris acte que l’on devait supprimer nombre de goulets d’étranglement en leur garantissant des ressources financières. Il y avait un large consensus pour régler ces problèmes ensemble.» Alors, le Vaudois ne comprend pas qu’on veuille réveiller cette guerre. «Ça fait quand même une quinzaine d’années que l’OFROU prévient que si on ne fait rien pour les goulets d’étranglement, ça va poser problème. À force d’attendre, on a à la fois des bouchons sur la route et sur le rail. Ce qui n’est pas bon pour l’environnement. (…) L’OFROU propose des solutions en ajoutant par exemple une 3e voie sur le tracé entre Genève et Nyon. C’est cohérent. Je regrette que ce projet suscite autant de résistance alors qu’il se développe sur le territoire de l’OFROU, à l’exception des jonctions. D’ailleurs, l’Association transports et environnement, qui a lancé le référendum, nous soutenait à l’époque.»
Dans la chronique Le Cercle du «Matin Dimanche» du 1er septembre, la conseillère nationale vaudoise Jacqueline de Quattro ne dit pas autre chose.
Des carrefours plus complexes
Alain Barraud ne compte en tout cas pas rester les bras croisés jusqu’au scrutin du 24 novembre. «La position de la Municipalité sera expliquée dans le journal communal, afin que chacun puisse voter en connaissance de cause, dit-il. Il est important de ne pas opposer les types de transports mais de réfléchir à leur développement en concertation», insiste-t-il.
Comme d’autres communes directement touchées par les réaménagements des jonctions de Nyon et de Coppet, Chavannes-de-Bogis participera aussi à des groupes de travail afin de suivre de très près l’avancée du projet de l’OFROU. Toutes les communes profiteront de faire remonter la réalité du terrain et demanderont de favoriser les transports publics sur ces axes importants pour la mobilité régionale. Car les jonctions autoroutières en question, véritables carrefours stratégiques, se sont en effet complexifiées avec le temps.


Aux pendulaires pressés de se rendre au travail et aux véhicules d’entreprise tenus de tenir des délais sont venus s’ajouter des bus publics plus modernes et à la cadence augmentée, ainsi que la mobilité douce. Des tendances d’ailleurs prises en compte par l’OFROU, qui s’est engagée lors d’une séance de Région de Nyon à favoriser ce type de mobilité sur les bretelles d’accès à l’autoroute, comme à Coppet où une passerelle dédiée à la mobilité douce est prévue.
Mais une évolution du transport qui invite aussi à la réflexion. Et si cette 3e voie était utilisée prioritairement par les bus? lance Mario-Charles Pertusio. L’OFROU a en tout cas admis étudier sérieusement la possibilité et la pertinence de la destiner au covoiturage, car autant la longueur que le nombre de sorties sur ce tronçon valdo-genevois le permettraient.
BAU à la place?
Pourquoi ne pas utiliser la bande d’arrêt d’urgence (BAU) au lieu de construire une 3e voie? Pour Sébastien Schneider, chef de projet pour l’OFROU, venu présenter en juillet le projet d’élargissement du tronçon Nyon-Coppet-Le Vengeron aux communes territoriales de Région de Nyon, ce n’est pas la solution. Car il faudrait de toute manière élargir l’autoroute, la bande d’arrêt d’urgence actuelle ne correspondant pas aux normes minimales pour faire circuler les véhicules en permanence, selon lui. Et cela poserait problème lors de pannes et surtout lors d’entretien de l’autoroute. «Nous ne saurions plus où déplacer le trafic.»
Pour aller plus loin
Descriptif du projet d’élargissement de l’A1 entre Nyon et Le Vengeron, site internet de l’OFROU
«OUI pour assurer le futur des routes nationales», avancer-ensemble.ch
Une réponse sur « Pourquoi ils disent OUI à l’élargissement de l’A1 »
De nos jours, à cause des sempiternels bouchons à toute heure de la journée et de la soirée, beaucoup de conducteurs évitent l’autoroute et prennent les petites routes, notamment dès 15h30 tous les jours.
Ce trafic doit absolument revenir sur l’autoroute, ce n’est pas acceptable que les habitants des villages soient envahis de véhicules parce que nos infrastructures ne suivent pas. Tant qu’il y aura une balance migratoire positive, il faudra les améliorer.