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Vaud Droits

Souriez, vous êtes filmés

Tiphanie Chappuis, avocate-conseil du TCS Vaud et auteure, à tour de rôle, de la chronique Vaud Droits dans le journal ça roule !

Les caméras embarquées, communément appelées dashcams, sont des petits appareils qui peuvent être fixés sur le pare-brise d’un véhicule pour filmer la route devant soi. S’ils peuvent être utiles pour documenter les accidents de la circulation, les comportements routiers dangereux, ou tout simplement pour avoir un enregistrement de son trajet, leur utilisation n’est pas toujours légale, voire même souvent illégale, et toutes les vidéos ne sont pas admises comme preuves.

L’utilisation des dashcams pour filmer sur la voie publique pose notamment des problèmes en matière de protection des données. Quiconque filme des personnes de manière à ce qu’elles soient identifiables traite en effet des données personnelles et doit donc respecter la loi sur la protection des données (LPD). Le préposé fédéral en la matière estime que la prise de vue par caméra embarquée équivaut à une surveillance vidéo privée de l’espace public, surveillance qui est soumise à des restrictions strictes concernant l’enregistrement de personnes et de plaques d’immatriculation. Le Tribunal fédéral a aussi jugé que la réalisation de prises de vue depuis un véhicule n’est pas aisément reconnaissable pour les autres usagers de la route et qu’il s’agit donc
d’une atteinte illicite à la personnalité, sauf motif justificatif.

Une dashcam qui enregistre en continu des plaques d’immatriculation, mais aussi des passants, ne respecte pas le principe de proportionnalité, car il n’y a pas d’intérêt prépondérant à filmer sans arrêt et de manière aléatoire tout un chacun sur sa route. En revanche, les caméras embarquées qui ne s’enclenchent qu’en cas d’événement particulier, comme un choc ou une
décélération brusque, sont, elles, potentiellement licites. Ici, le traitement des données est en effet limité à un événement spécifique, de sorte que l’automobiliste pourrait justifier d’un intérêt prépondérant à cet enregistrement. A noter que la nouvelle LPD, entrée en vigueur le 1er septembre 2023, a encore renforcé les exigences d’adéquation, de proportionnalité et de transparence en matière de vidéosurveillance, restreignant d’autant la possibilité de justifier de la licéité d’une caméra embarquée.

Est-ce que les vidéos des dashcams sont néanmoins des moyens de preuve admis en procédure pénale ? Si elles violent la LPD sans motifs justificatifs, ces preuves «illicites» ne seront exploitables qu’à la double condition qu’il s’agisse (a) d’infractions graves et (b) de preuves que les autorités de poursuite pénale auraient pu obtenir légalement.

Mais une chose est sûre: publier sur internet des vidéos provenant de caméras embarquées sur lesquelles des personnes ou des plaques d’immatriculation sont reconnaissables viole les droits de la personnalité de celui qui est filmé, ce qui pourrait entraîner des poursuites judiciaires.

Vidéaste amateur, vous voilà prévenu.

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