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Lausanne-Genève: de bonnes et de (très) mauvaises nouvelles

Nœud ferroviaire suisse romand, Lausanne a célébré deux bonnes nouvelles et encaissé un revers quasi simultanément.

Bonnes nouvelles

Après huit ans de chantier, notamment retardé par la pandémie, le viaduc ferroviaire de Renens, ou saut-de-mouton, et la quatrième voie Lausanne-Renens ont été inaugurés en grande pompe fin septembre.

Il faut dire que ces chantiers représentent aussi deux éléments clés du développement de l’offre ferroviaire sur l’arc lémanique. Comme l’agrandissement de la gare de Lausanne, ils font partie du programme Léman 2030 visant à augmenter à la fois la capacité de la ligne entre Lausanne et Genève, et les cadences du trafic régional.

Il faut en effet se préparer à accueillir 100 000 personnes par jour sur la ligne Lausanne-Genève, soit le double de personnes comparé à 2010.

Plus d’information sur tous les projets du programme Léman 2030, ici.

Lien vers notre article papier sur ces chantiers, ici.

Le saut-de-mouton

Le saut-de-mouton à Renens, aussi appelé «le mille-pattes». Crédit: Swiss Fly Boris Bron

Ce chantier est un viaduc ferroviaire, construit entre la halte de Prilly-Malley et la gare de Renens. Pour bien saisir l’importance de cette infrastructure, il faut imaginer que ce viaduc permettra aux trains assurant la liaison Genève-Berne et à ceux à destination du Valais de se croiser à pleine vitesse, soit à 130 km/h.

Les bénéfices sont évidents: augmentation du nombre de trains, amélioration de la fluidité du trafic dans le nœud ferroviaire de Lausanne-Renens, et meilleure stabilité de l’horaire et de la ponctualité.

En chiffres 

Longueur: 1175 m

Hauteur maximale: 9 m

Arches: 66

Pieux: 350

Coûts: 65 millions (travaux d’ouvrage d’art et de technique ferroviaire).

Vidéo du chantier du viaduc, ici.

Quatrième voie Lausanne-Renens

Composé alors de troies voies, le tronçon Lausanne-Renens constituait, jusqu’ici, un goulet d’étranglement. Ainsi réalisée, cette quatrième voie doit permettre:

  • L’augmentation du trafic des trains longue distance entre Lausanne et Genève.
  • Une cadence au quart d’heure du RER Vaud (Cully-Cossonay) dès le 11 décembre 2022.

Rappelons que tous ces bénéfices escomptés sont également permis par le renouvellement intégral de l’infrastructure et des installations techniques sur le périmètre en question, ainsi que la mise en service des nouveaux enclenchements, ou «cerveaux du rail», de dernière technologie à Renens et à Lausanne.

Ces deux chantiers terminés ne constituent cependant qu’une étape parmi d’autres du programme Léman 2030.

«L’offre va s’accélérer pas à pas en fonction des autres chantiers, mais il n’y aura pas de grand saut avant l’achèvement de la gare de Lausanne», rappelait ainsi récemment, David Fattebert, directeur régional des CFF pour la Suisse romande, dans les colonnes du 24heures.

Or, la mauvaise nouvelle est tombée quelques jours seulement après ces deux inaugurations.

Nouveau retard pour la gare lausannoise

L’information a été rendue publique le 11 octobre 2022, par voie de communiqués de presse rédigés séparément par les différentes parties concernées. «Une partie des travaux de transformation et de modernisation de la gare de Lausanne ne pourra pas débuter comme espéré en décembre 2022», ont ainsi annoncé les CFF. «L’OFT (ndlr: Office fédéral des transports) en tant qu’autorité chargée de l’octroi des autorisations a demandé des éclaircissements complémentaires sur les calculs statiques des dossiers zone des quais/Bâtiment Voyageurs et Sous-sol Place de la Gare.»

Quelques jours plus tôt, les CFF espéraient pourtant toujours une décision positive de l’OFT pour le début du mois de décembre. «Nous prévoyons toujours de commencer certains travaux importants cette année encore», nous confirmait ainsi Jean-Philippe Schmidt, porte-parole des CFF.

«Dans l’esprit de poursuite de l’étroite collaboration mise en place avec l’OFT et les autorités vaudoises et lausannoises, les CFF vont, avec les mandataires, analyser et aplanir les divergences constatées et fournir les éclaircissements demandés, poursuivait ensuite l’ex-régie fédérale. À ce stade, la durée de ces études complémentaires ne peut pas encore être estimée. Elles sont cependant indispensables pour garantir le déroulement sûr des travaux.» 

De son côté, l’OFT précisait: «Vu le nombre des éléments que les CFF doivent reprendre puis faire valider à l’interne des CFF puis par l’OFT, un décalage du planning et un report de plusieurs mois du démarrage des travaux principaux sont inévitables.»

Projet de la future gare de Lausanne. Crédit SBB CFF FFS

Au même moment, la Ville de Lausanne et le Conseil d’État réagissaient à leur tour, en annonçant la couleur et leur agacement.

«Selon les informations officielles reçues le 10 octobre 2022 en séance extraordinaire de la part de l’Office fédéral des transports (OFT) et des CFF, le début du chantier d’agrandissement et de modernisation de la gare de Lausanne est à nouveau repoussé d’au moins 12 mois, retardant d’autant la mise en service des nouveaux quais, mais aussi celle du nouveau tunnel du m2 et du m3.» Or, le développement de la ville de Lausanne dépend aussi de ces infrastructures.

Une inquiétude exprimée

Pour comprendre la colère de la Municipalité de Lausanne et du Canton, il faut se rappeler que ces deux acteurs avaient tiré la sonnette d’alarme il y a 1 an de ça, redoutant justement de nouveaux retards par rapport au planning.

Début 2022, une organisation resserrée entre l’OFT et les CFF aurait dû permettre le début des travaux du coeur du chantier avant la fin de l’année. Ce ne sera finalement pas le cas.

Ce nouveau revers agace d’autant plus que les données pointées du doigt s’affichent noir sur blanc depuis longtemps. Interrogé dans le 19h30 de la RTS ce même 11 octobre, le conseiller aux États Olivier Français (PLR/VD), ingénieur civil de profession et fin connaisseur des questions ferroviaires, a déploré qu’on découvre ce «problème purement statique» «après cinq ou six ans de discussions».

Olivier Français demande que les ingénieurs concernés «prennent leurs responsabilités tout en garantissant la sécurité des usagers» et que la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga «tape du poing sur la table» pour trouver une solution «dans les plus brefs délais».

Réponse du Conseil fédéral

Simonetta Sommaruga, conseillère fédérale. Crédit Chancellerie fédérale suisse.

Interpellée par la Municipalité de Lausanne et le Conseil d’État vaudois, qui demandaient à la rencontrer rapidement, afin aussi de clarifier «quels moyens additionnels pourraient être débloqués pour limiter les conséquences futures, notamment sur le projet d’horaire 2025», Simonetta Sommaruga a assuré vouloir s’investir pour faire avancer ce dossier.

Sur les ondes de RTS La Première, le 14 octobre, la conseillère fédérale s’est en effet dite aussi déçue et fâchée. Elle a également déclaré que le chantier de la gare de Lausanne était «un projet extrêmement important pour la Suisse romande, mais aussi pour toute la Suisse». C’est pourquoi elle avait effectivement l’intention de rencontrer les partenaires concernés. Et de rappeler aussi que «les questions de statiques, c’est aussi une question de sécurité, et qu’il faut prendre cela très au sérieux».

À l’heure où nous écrivons cet article, nous ne savons pas si la conseillère fédérale et les partenaires du projet ont pu définir une date pour une future rencontre.

Dans leur communiqué de presse, la Municipalité de Lausanne et le Conseil d’État vaudoise demandaient également que «les CFF et l’OFT se dotent de ressources et des compétences nécessaires pour créer une taskforce et clarifier les divergences d’experts, de manière à limiter les retards de la gare de Lausanne et leurs conséquences».

Des tas de conséquences

On aura bien compris l’importance de cet agrandissement de la gare de Lausanne pour le réseau ferroviaire. Lausanne est en effet le dernier grand nœud ferroviaire de Suisse à ne pas avoir profité d’une modernisation. Une refonte d’ailleurs soutenue par le peuple il y a une petite dizaine d’années, lors de la votation sur le Financement et aménagement de l’infrastructure ferroviaire (FAIF). Le chantier de la gare de Lausanne devait se terminer en 2025. La mise en service de la nouvelle gare est désormais espérée pour 2034.

Vers la page de la Confédération sur les projets FAIF, canton de Vaud, ici.

Aussi au niveau local

Au niveau local, ce retard pose également des problèmes conséquents.

Le développement du métro m2 et de la future ligne m3 dépendent également des travaux de la gare de Lausanne. Le retard du gros du chantier de cette gare retarde d’autant la mise en service du nouveau tunnel du m2 et du m3, selon la Municipalité de Lausanne et le Conseil d’Etat.

Mais au-delà de la question du transport, c’est aussi toute une série de conséquences négatives pour les riverains, les commerçants et les usagers de la gare. «Pour la collectivité qui devra payer les coûts de ce retard. Pour les entreprises qui doivent replanifier leurs engagements», énumérent la Ville de Lausanne et le Conseil d’Etat.

Au moment où nous écrivons cet article, la municipale Natacha Litzistorf, membre du comité de pilotage du projet de la gare, où elle représente la Ville de Lausanne, a demandé le retrait des palissades de chantier. Notamment celles sur la place de la gare, afin que la population lausannoise, les commerçants et les usagers puissent se réapproprier ces espaces, expliquait-elle au journal 24heures.

Fin octobre, les palissades encombraient toujours pour rien la place de la Gare.

D’autres mauvaises nouvelles

La Ville de Lausanne et le Conseil d’Etat vaudois s’agacent d’autant plus que cette mauvaise nouvelle survient juste quelques mois après l’abandon de la technologie WAKO. Cette dernière ayant pour but de diminuer le temps de parcours entre Lausanne et Berne à l’horizon 2025.

L’interruption prolongée du trafic ferroviaire entre Lausanne et Genève en raison de l’affaissement de voies au niveau de Tolochonaz, fin 2021, avait pourtant démontré la fragilité de cette ligne vitale pour la Suisse romande, et pour le reste de la Suisse.

Espérons que la conseillère fédérale Simonetta Somarruga tienne parole.

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