
Une moto électrique, la MONNIER XRE, imaginée ici par une légende locale. L’envie était grande de l’enfourcher. Notre testeur fou s’est lancé: Verdict!

En guise de préambule, autant vous l’avouer ici, je n’y connais que pouic en moto. Deux roues, un gros vroum vroum, une avance casquée: voici la maigrissime somme de mon savoir. Mais je suis curieuse et j’aime les gens. Les histoires d’humains passionnés. Alors lorsqu’on m’apprend qu’une légende locale de la moto (dont le patronyme évoque le Dakar, le sable, la technique et la pédagogie) a créé une moto 100% électrique, forcément, je rêve d’en savoir plus.
1 – Le testeur

Histoire de m’assurer qu’on tient un sujet, je soumets l’idée à un expert. Lui saura me dire si une moto 100% électrique, à 5 vitesses, pour rouler silencieux même en mode sport tout-terrain ou cross, c’est innovant. L’expert se prénomme Greg. Grégory Junod, un collègue, le type à qui il ne faut pas dire «Chiche!». Il est aussi chef de la formation à la Section vaudoise du TCS.

À la base, il y a longtemps, mais pas tant, il était champion de moto, pilote de vitesse. Un petit coup d’œil à sa biographie en ligne nous apprend qu’il est né le 23 janvier 1988 à Châtel-Saint-Denis. «Il remporte en 2009 le titre de Champion Suisse Superstock 1000 et devient ainsi, à 21 ans, le plus jeune pilote à remporter ce titre. En 2010, il monte sur la 3e marche du podium des 24 Heures Moto du Mans devenant le premier Suisse, depuis Jacques Cornu et Sergio Pellandini en 1983, à réussir cet exploit.» Un expert, vous étiez prévenus.
Je me pointe à son bureau. Je lui soumets le brief et la petite brochure explicative de la moto. Les secondes passent. Greg lit. Il fait la moue. Il trouve que j’abuse avec mon obsession pour l’électrique. Un motard, m’explique-t-il, aime quand ça vrombit. Il est joie quand ça vibre un peu. Limite, quand ça patine. Un truc musclé ou rien. Ce machin électrique, il veut bien tester, mais il n’est que moyennement emballé. Il me prévient: il dégommera peut-être le produit. Petit pas chassé: Greg concède cependant qu’aujourd’hui, il est incontournable d’envisager des énergies alternatives, même lorsque l’on parle de passion. Histoire de s’adapter à l’air du temps. C’est bon, vise la moto Toto: on se lance pour un essai!

2 – Les concepteurs
L’air du temps, eux, ça fait un moment qu’ils y pensent: 2021, pour être précis, selon leur prospectus. À la base du projet, il y a Olivier Monnier et Alexis Legrand. Sans oublier cette usine de fabrication de motos thermiques basée en Chine, dans la région de Zibo qui fabriquait dans son coin une bécane électrique. Les deux premiers contactent la dernière et tous ensemble mitonnent une version prompte à séduire le public européen.

Mais de qui parle-t-on? Pour la faire courte, mécanicien de métier, pilote et préparateur de course, Olivier Monnier s’est forgé une puissante réputation dans le monde de la moto. Son patronyme évoque le mythique Paris-Dakar où ses excellents résultats ont laissé dans la poussière du désert des motards bien plus aguerris. Dès 1990, à la tête de sa société et désireux de vendre des modèles off-road non distribués en Suisse, Olivier Monnier imagine, fabrique et homologue une vingtaine de motos sous sa marque propre, MONNIER, donc. Il se spécialise ainsi dans différentes disciplines, l’enduro, le rallye-raid et le Supermotard. Il fonde le SP Racing et le CPRP, le Centre Pédagogique Romand de Pilotage, une sorte de giga centre avec une école dédiée à l’apprentissage de la moto, des novices au super pro, septante motos ainsi que des pistes en tous genres. Et un garage, capable de réparer, restaurer et customiser motos et quads.
Depuis quelques années, Olivier Monnier, 60 ans à la fin de l’année et «poncé», selon ses termes, a adoubé Alexis Legrand, 36 ans, pour lui succéder à la tête de son école de pilotage et du SP Racing Team SA. Issu du monde de l’informatique et passionné de moto depuis sa toute première mobylette à 14 ans, le jeune Legrand hume le trend d’une moto acceptable en termes de dépense d’énergie.
Le binôme effectue deux allers et retours entre la Chine et Moudon, où se situe le CPRP. Le but: penser, réaliser et faire homologuer cette moto entièrement électrique, donc peu bruyante, avec une boîte à 5 vitesses, à un prix acceptable que l’on puisse utiliser facilement, sans application ou téléphone portable.
3 – La moto

Des motos électriques, il en existe d’autres. Celle-ci obtient pourtant à nos yeux l’avantage du terroir. Elle est faite en Chine, mais son ADN, pensé dans le canton de Vaud, possède un chromosome bien de Moudon. Nous en parlons parce que le fait qu’elle ait été pensée comme une moto thermique, améliorée par un concept électrique, en fait une bécane unique avec ses spécificités.
Au début, ses concepteurs la cogitent comme une boîte 4 vitesses. Ils se ravisent. La XRE électrique compte donc 5 vitesses, une marche arrière et un embrayage, comme pour une moto thermique. «On retrouve des sensations classiques, ce qui est agréable pour un vrai motard. Ce qui existe aujourd’hui, en électrique, ça ressemble plus à un gros vélo. Là, on a une alternative sérieuse, pour la compétition ou le loisir, relaie Alexis Legrand. Notre MONNIER XRE possède un mode simplifié, ce qui aide quand on est peu technique.», analyse Alexis Legrand. Son prix se veut abordable, en dessous des 10 000 francs, avec un entretien facile, réalisable par un mécano, vu qu’elle est conçue comme un modèle traditionnel thermique.

Peu bruyante, respectueuse des normes actuelles, son vroum vroum rassure l’oreille. «Parce que le puriste, il aime le bruit et l’odeur. Ici, on entend les chaînes plus que le moteur», confesse l’un des deux papas. L’engin pèse 142 kilos à vide (mais il paraît que ça ne se sent pas du tout quand on roule). Son poids est essentiellement concentré au milieu pour un équilibre et un centre de gravité optimal. Elle a une autonomie de 92 km, un temps de charge de trois heures et une vitesse maximale de 110 km heures. Ultra pratique, en cas de problème en terrain compliqué, cette moto, destinée aux plus de 16 ans, se répare comme on bricolerait une «vraie» moto. Comprendre: avec des outils, on peut changer la batterie en dix minutes. Si pour vous, comme pour moi, tout ceci est un peu du charabia, sachez qu’on peut l’avoir en huit couleurs! Dingue: du blanc, du noir, un bleu roi, du vert sauge, orange, rouge, turquoise et même violet.
4 – La session

A un moment il faut se lancer. Ciel bas et larmes grises, la météo donne envie de rester sous son duvet ce jeudi-ci. Greg a revêtu sa tenue de testeur fou, il empreinte le reste sur place. Comme l’école équipe ses élèves de pied en cap, le vestiaire est fourni.
Le Centre possède cinq motos électriques tout-terrain et une sixième devrait arriver bientôt. La MONNIER XRE est facile à maîtriser, paraît-il. En tous cas, les explications sont courtes: on gère les vitesses à la manière d’une moto classique, mais, gros avantages «regarde, là, c’est la marche arrière. Quand tu es coincé pour faire ton demi-tour, je t’assure c’est bien pratique.»
Greg me rappelle que le tout-terrain, ce n’est pas forcément son truc. Il essaie de me faire croire qu’il est novice. N’empêche à la voir s’amuser à faire voler la poussière sur les bosses et dans les creux, les virages, serrés ou larges, il donne bien le change. Pour un pilote peu motivé par l’électrique, l’essai semble assez convaincant. Greg apprivoise sa monture. On tente d’immortaliser le tout avec une caméra go-pro, un smartphone, un appareil de photo. Pas évident.Greg se marre: «Elle fait un bruit de jouet!»

Quelques sauts plus loin, une petite marche arrière pour rigoler, le voilà dehors, à tester la gadoue, un wheeling sur terre battue, des bacs avec rochers, et même un faux marais…


Bonne nouvelle: la moto électrique ne provoque pas le même résultat qu’un sèche-cheveux dans une baignoire, et c’est tant mieux.
5 – Verdict

Greg a la marque du casque incrustée au-dessus des sourcils, mais l’air ravi d’un enfant le matin de Noël. «Ben tu sais quoi? J’ai pris le monstre plaisir!» me lance-t-il en guise de verdict. Notre expert a aimé: les sensations qui bluffent. La moto qui fait oublier qu’elle est électrique. Le fait qu’elle «envoie bien!» C’est «une moto qui voyage», m’explique-t-on.
«Je trouve que l’électrique, du coup, permet de bien progresser, de se sentir tout de suite en confiance, même sur un passage technique. Quand ça commence à glisser, là, tu te sens comme un pro. On se sent aidé, mais pas assisté: c’est une progression linéaire, où dès le début, on ne se fait pas peur. C’est agréable de ressentir des sensations très similaires à ce que je connais. L’embrayage est particulier, il faut s’y faire, mais on y prend vite goût. Elle accroche vraiment bien sur le terrain: entre le mode sport et le normal, tu ne te fais pas décalquer. Je pense que le mode éco est parfait pour un terrain gras. Son bruit de jouet déconcerte, mais ça offre une jolie alternative au problème du bruit et des règlements. On dérange moins les autres.»
Bref, Greg a aimé. Mission: validée!
6 – Et après?
Eh bien après, c’est à vous de jouer. Tous les renseignements techniques s’obtiennent auprès de ses concepteurs et la moto, disponible, est à vous. Il faut juste la payer, vu que visiblement, l’essayer, c’est l’adopter!